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Arrêtons de gérer l’urgence sociale avec un thermomètre !

Publié le par Emmanuelle AJON

Arrêtons de gérer l’urgence sociale avec un thermomètre !


 « Mes amis, au secours... Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l’avait expulsée...».
Tout le monde se souvient de ce 1er Février 1954, où l’Abbé Pierre faisait un appel vibrant à Radio-Luxembourg.
Mais si je vous dis, 29 Janvier 2008, personne ne se souvient. C’est la date où François Fillon a déclaré « l’hébergement d’urgence et l’accès au logement » grand chantier national prioritaire 2008-2012.
Que s’est-il passé en 4 ans ? Mise en place de la Direction Régionale et Interdépartementale de l’hébergement et du logement (DRIHL) en Ile de France et de Service Intégré d’Accueil et d’Orientation dans tous les départements, politique du logement d’abord…. Crise économique et financière mondiale qui engendre de plus en plus de précarité…Et toujours 133000 sans domicile fixe en France avec de plus en plus de familles avec enfants dans cette situation.
Tout le monde part du principe que la solution passera par l’accès au logement et la prévention des risques d’expulsion du logement. Certes ! Mais n’oublions-nous pas une partie centrale du sujet ?
Comment faisons-nous face à la pénurie criante de sortie de l’urgence sociale pour accéder au droit commun qui engendre un « embouteillage » dans les structures d’hébergement ? Que faisons-nous en attendant que des logements se construisent ? Que répondons-nous aux 133000 citoyens du monde qui vivent dans des conditions indécentes aujourd’hui sur le sol Français ?
La seule réponse de la République Française est une simple mise à l’abri, mise à l’abri  corrélée à la température du thermomètre. Nous sommes arrivés à l’aberration que la mise en place d’un dispositif républicain soit décidée avant tout, par Météo France qui gère au gré de la hauteur du mercure, le nombre de places d’hébergement d’urgence en hiver. 
Cette aberration peut aussi cacher une mise à l’abri de nos bons sentiments, de notre culpabilité collective qui depuis des siècles, engendre l’assistance des plus faibles  par les plus favorisés d’entre nous. Cette assistance est renforcée du fait que, aujourd’hui, cette politique publique  est mise en place dans 95% des cas, par des associations caritatives, soutenus par des milliers de bénévoles. C’est donc des hommes et femmes de bonne volonté, qui prennent en charge un fait de l’ordre d’une politique publique.

Alors, pourquoi la République ne reprendrait-elle pas sa place en créant un véritable service public de l’hébergement d’urgence?
La notion de service public engendrerait une continuité de service auprès de ces publics, une pérennisation des budgets en annihilant  les effets saisonniers. Ça provoquerait un renforcement de professionnalisation de ce secteur et ainsi permettrait de répondre aux besoins spécifiques de ces publics où seul un accompagnement sur le long terme engendre des résultats probants.
En ces temps de crise budgétaire, les plus gestionnaires d’entre nous m’opposeront le fait financier. La question que je pose, est que sur le long terme, à combien s’évaluent ces vies cassées par des mois de rue ? Quel est le cout en termes de santé publique ?
Il me semble que nous sommes avant tout, quand on réfléchit à la politique de l’hébergement d’urgence face à un choix  de l’avenir de notre République.
La question est de savoir jusqu’à quand  permettrons nous son effacement du champ des politiques publiques.



Florence LAMARQUE
Formatrice en travail social et militante dans la lutte contre les exclusions

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